La Baleine
Atelier Cédric Peltier x La Couleur du Verre
Depuis des temps immémoriaux, la baleine fascine et son empreinte sur les imaginaires semble universelle. Figure nourricière née de la déesse de la mer, elle est profondément respectée chez les Inuits. Au Vietnam, le cétacé est perçu comme un passeur, qui porte sur son dos l’âme des défunts pour les conduire vers le royaume des morts. C’est elle que Dieu choisit comme instrument de sa colère pour châtier la désobéissance de Jonas. C’est sur elle enfin, la blanche Moby dick, que viendront se briser la soif de vengeance et le rêve de domination du capitaine Achab.
C’est donc d’abord un regard d’admiration et de respect adressé à la baleine qui unit Cédric Peltier, peintre, et Marie Grillo, vitrailliste, quand ils décident de s’associer pour réaliser ce paravent à quatre mains.
A la racine de leur création, il y a leur amour pour cet animal empreint de mystère, auquel sa grâce imposante confère une indéniable majesté. C’est pour préserver sa stature que l’effet de hors-cadre s’est imposé comme principe de composition : impossible d’enfermer le cétacé dans le périmètre restreint du châssis, ils choisissent de susciter l’attente de voir l’animal défiler dans sa tranquille lenteur.
Mais, malgré sa puissance et ses extraordinaires capacités, la baleine reste un animal vulnérable, menacé par les multiples changements qui affectent les milieux naturels et en particulier les océans, et ni son corps de géant, ni son regard serein ne sauraient faire oublier sa fragilité.
Le verre qui compose le paravent présente la même dualité. Dur, mais fragile, solide, mais cassant, c’est aussi un matériau noble. Le verre soufflé sur lequel Marie Grillo et Cédric Peltier ont porté leur choix est parsemé de bulles qui évoquent autant les profondeurs marines que la fragilité de l’éphémère. Habillée – presque parcourue – de bulles glissant sur sa peau, la baleine se pare d’un voile délicat qui contraste avec sa puissance et participe à l’ambivalence de sa représentation.
Cela n’altère en rien cependant la force évidente de cette créature. Cédric Peltier, habitué à travailler la brillance sur ses toiles et à manier des matières qui réfléchissent la lumière, imagine un dégradé de feuilles d’or et d’argent pour donner à voir la baleine.Traitant le verre comme une toile, il applique, froisse et texture des feuilles d’or blanc, de palladium et d’argent noir du Japon. Tout le corps de la baleine est ainsi doré finement, feuille à feuille. L’effet cumulé des trois teintes dorées crée le volume en même temps qu’il donne tout son éclat à l’animal. Au caractère majestueux de la baleine font ainsi écho la préciosité de l’or utilisé par Cédric Peltier et sa riche brillance à la lumière.
Marie Grillo quant à elle, travaille le verre en transparence. Inspirée par le travail du verrier L.C. Tiffany au 19e siècle, elle entreprend de représenter l’onde par une superposition de verres qu’elle bleuit diversement selon le niveau qu’ils occupent. Il faudra cinq couches de verres peints à la main et superposés entre eux pour obtenir la couleur profonde recherchée. Chaque couche de verre porte un bleu différent sur lequel Marie Grillo crée des textures et des jeux de matière en recourant à la grisaille et à l’émail. Dans le bas de la composition, le bleu foncé vire presque au noir que seuls quelques éléments traités au sablage viennent animer d’un éclat lumineux. Couche après couche, la baleine semble s’enfoncer dans des eaux toujours plus profondes, comme pour y sceller à jamais son mystère.
Entre brillance et transparence, entre verre et or, hommage est ici rendu à la baleine qui, dans sa majesté fragile et sa puissance vulnérable, pose sur nous un regard plein de sagesse qu’il nous appartient de soutenir avec humilité.
2024
dimensions 1,80 x 1,60 m
Paris
Avec le soutien de la Fondation Banque Populaire
Photos et vidéos de 7 skills Production
Prix: nous contacter